Le télétravail est-il définitivement entré dans les mœurs ?
Parmi les tendances accélérées par la pandémie liée au Covid-19, le télétravail est sans nul doute l’un des sujets faisant le plus l’objet de conférences, d’interviews, d’articles, … tant ce mode d’organisation est lié à plusieurs enjeux, notamment en matière de gestion des ressources humaines : politique QVCT (Qualité de Vie et des Conditions de Travail), DIE (Diversité, Équité et Inclusion), santé mentale et bien-être des salarié(e)s, etc.
Pourtant, le télétravail ne date pas d’hier. En effet, dès le 16 juillet 2002, un accord-cadre européen est signé, ayant pour objet « d’établir un cadre général au niveau européen ». À ce sujet, l’OIT (Organisation Internationale du Travail) précise que cet accord-cadre contient « des dispositions relatives aux conditions d’emploi, à la protection des données, à la vie privée, aux équipements de travail et à la santé et la sécurité au travail, l’organisation du travail, à la formation et aux droits collectifs ». En clair, plusieurs enjeux, encore très d’actualité aujourd’hui.
Si la pandémie a très largement favorisé le développement du télétravail, on pourrait toutefois se demander si, aujourd’hui, celui-ci s’est définitivement installé dans la durée. Pour répondre à cette question, il convient d’examiner dans un premier temps la situation du télétravail en France et à l’international.
1 – Télétravail : quelles sont les évolutions juridiques en France depuis 2002 ?
En France, que s’est-il passé après la signature de l’accord-cadre européen en 2002 ? En résumé, un Accord National Interprofessionnel (ANI) est signé le 19 juillet 2005, précisant que le télétravail « constitue à la fois un moyen pour les entreprises de moderniser l’organisation du travail, et un moyen pour les salarié(e)s de concilier vie professionnelle et vie sociale, et de leur donner une plus grande autonomie dans l’accomplissement de leurs tâches ».
Cet accord indique également que le télétravail « revêt d’un caractère volontaire pour le salarié et l’employeur concernés. Le télétravail peut faire partie des conditions d’embauche du salarié ou être mis en place par la suite, sur la base du volontariat. Dans ce cas, il doit faire l’objet d’un avenant au contrat de travail ».
En 2012, la loi relative « à la simplification du droit et à l’allégement des démarches administratives » reprend les principes généraux de l’ANI signé en 2005 et introduit la notion de télétravail dans le Code du Travail.
Si les ordonnances Macron de 2017 distinguent le télétravail « occasionnel » du télétravail « régulier », l’accord national interprofessionnel du 26 novembre 2020 « pour une mise en œuvre réussie du télétravail » permet de clarifier l’ANI du 19 juillet 2005, dans un contexte où le télétravail « sanitaire » s’est très largement développé, en réponse à la pandémie liée au Covid-19. Cet accord précise que les organisations signataires souhaitent « expliciter l’environnement juridique applicable au télétravail et proposer […] un outil d’aide au dialogue social ».
En résumé, la mise en place et le développement du télétravail sont marqués par de nombreuses évolutions juridiques et sociétales, dont le cadre juridique continue encore d’évoluer aujourd’hui pour ajuster ou préciser les modalités de mise en œuvre. En pratique, d’après une enquête de l’Institut Paris Région, rien qu’en Île-de-France, le nombre d’actifs franciliens pratiquant le télétravail de façon régulière a doublé depuis la pandémie, passant de 20 à 42 %.
2 – Le télétravail à l’international
De nombreuses études se sont effectivement penchées sur le télétravail en France avant, pendant et après la pandémie liée au Covid-19. Mais qu’en est-t-il du télétravail à l’international ?
D’après une étude réalisée en janvier 2023 par Fortinet, une entreprise américaine spécialisée dans les services de cybersécurité, en Amérique du Nord et en Amérique Latine, respectivement 36 % et 39 % des entreprises interrogées ont mis en place une politique autorisant à télétravailler 1 à 2 jours par semaine, alors qu’elles ne sont « que » 31 % pour l’Asie, le Pacifique et le Japon. Pour aller plus loin, 31 % des entreprises interrogées d’Amérique du Nord et 23 % des entreprises d’Amérique du Sud ont mis en place une politique autorisant à télétravailler 3 à 4 jours par semaine, alors que de nouveau, elles ne sont « que » 10 % pour l’Asie, le Pacifique et le Japon.
On constate que les modes d’organisation du télétravail entre les entreprises d’Amérique du Nord et d’Amérique du Sud sont relativement similaires, bien que l’écart se creuse davantage notamment quand le nombre de jours de télétravail par semaine augmente. En revanche, on remarque que les pratiques sont plutôt différentes entre d’une part, les entreprises d’Amérique du Nord et d’Amérique du Sud, et d’autre part les entreprises implantées en Asie, dans le Pacifique et/ou au Japon. Si le rapport au travail et la culture d’entreprise peuvent différer d’une organisation à une autre ou au sein d’un même pays par exemple, on suppose aisément que cela peut être également le cas entre certaines régions du monde.
3 – Quand les entreprises font machine arrière
L’étude citée précédemment révèle également un autre point essentiel. Beaucoup d’entreprises ont mis en place une politique de retour au bureau à temps plein. Pour preuve, c’est le cas de plus de la moitié (53 %) des entreprises interrogées se situant en Asie, au Pacifique et/ou au Japon. Une situation qui amène à se poser la question suivante : est-ce que le télétravail s’est définitivement installé dans la durée ?
À l’international, plusieurs grandes entreprises américaines notamment ont demandé à leurs salarié(e)s de revenir davantage au bureau. C’est le cas par exemple d’Amazon, Google ou encore Zoom. Mais qu’en est-t-il en France ? D’après une étude du Future Forum (groupement d’entreprises formé par Slack, Boston Consulting Group, MillerKnoll et MLT) menée auprès de plus de 10 000 salarié(e)s aux États-Unis, en Australie, en France, en Allemagne, au Japon et au Royaume-Uni, plus de la moitié des salarié(e)s français interrogé(e)s (56,9 %) travaillent en mode hybride, contre « seulement » 45,1 % pour les salarié(e)s interrogé(e)s issus des autres pays.
Comme le montre le graphique ci-dessous, l’étude révèle également que 35,3 % des salarié(e)s français interrogé(e)s travaillent au bureau à temps plein, contre 34,4 % des salarié(e)s interrogé(e)s issus des autres pays. Ce qui signifie que les salarié(e)s français seraient légèrement plus concerné(e)s par les politiques de retour au bureau à temps complet.
Extrait de l’étude Future Forum, Inflexible return-to-office policies are hammering employee experience scores – Avril 2022
En réalité, si les salarié(e)s interrogé(e)s issus des autres pays sont moins concernés par le travail en mode hybride et les politique de retour au bureau à temps plein, c’est parce qu’ils sont davantage à travailler en full remote (20,5 %). Inversement, les salarié(e)s français interrogé(e)s ne sont que 7,8 % à travailler à distance à temps plein.
Et vous, pratiquez-vous le télétravail de façon régulière ?
Sources :
- Accord-cadre européen sur le télétravail du 16 juillet 2002, Organisation Internationale du Travail
- Accord National Interprofessionnel du 19 juillet 2005 relatif au télétravail
- Accord National Interprofessionnel du 26 novembre 2020 relatif à la mise en œuvre réussie du télétravail, Légifrance
- Le télétravail s’installe durablement, Institut Paris Région – Janvier 2022
- Télétravail : ces entreprises qui font machine arrière, BFM Business – Août 2023
- Étude mondiale 2023 sur le télétravail, Fortinet
- Expérience collaborateur : les retours difficiles au bureau, Future Forum Pulse – Avril 2022